L'activité qui allait occuper une majeure partie de la journée de Thomas ne l'enchantait pas plus que cela. Il aurait volontiers bien voulu rester toute la journée chez sa mère, à flâner devant la télévision puis à bricoler sa moto mais la rentrée universitaire approchait à grand pas et le choix, il ne l'avait pas. Après une pré-rentrée où, étant dans sa première année de fonction, on ne lui avait confié aucune promotion, Thomas commençait à angoisser quant aux déroulements de ses cours. S'il avait été, dans ces dernières années d'études, un étudiant irréprochable et modèle, il craignait être incapable de tenir une centaine d'étudiants pendant des heures à parler des différents cancers. Thomas préparait scrupuleusement sa rentrée et cela passait par une implication dans la vie de la faculté afin de s'intégrer auprès de ses collègues mais également du doyen. Il était arrivé à la faculté en deux roues, moulé dans sa veste en cuir et ses cheveux clairs avaient été baigné de reflets du soleil quand il avait retiré son casque. Les regards affamés des étudiantes ne lui avaient pas échappés. L'une d'elle avait même eu le culot de lui demander quel master étudiait-il alors qu'il incendiait une cigarette entre ses lèvres légèrement gercées. « Professeur en cancérologie, c'est un master peut-être ? » avait-il répliqué, un brin agacé avant de poursuivre sa route, son casque pendant dans le creux de son bras replié. Il se haïssait à fumer, à fumer une merde, une merde qui pouvait lui en apporter une autre, une vraie merde dont on ne pouvait pas vraiment se débarrasser ou du moins, difficilement, une merde qu'il cherchait à éradiquer en enseignant les méthodes de soin aux étudiants : le cancer. Sa mission du jour était de trier les radios qui servaient aux démonstrations de cours avec une étudiante. Thomas se rendit dans la salle des archives, ponctuel. Il posa sa veste en cuir sur une table, accompagnée de son casque et de sa sacoche, n'ayant pas encore de vestiaires dans la salle réservée aux enseignants. Il passa une main dans ses cheveux et soupira doucement. Il remonta les manches de sa chemise, près à en découdre avec ces diverses radiographies quand la porte s'ouvrit. De dos, il entama sa présentation tout en se retournant pour voir l'étudiant qui allait oeuvrer avec lui. « Bonjour, monsieur Carvey, j'enseigne la... ». Oh bordel de merde.

ma respiration s'était accélérée depuis quelques minutes déjà. même si j'étais une bonne coureuse, le stresse ajouté ne m'aidait pas du tout à avoir une respiration normale adaptée. quelques minutes plus tôt, mon professeur de chimie m'avait demandé de lui rendre un service. en bonne élève, ou plutôt en élève ne voulant plus se faire remarquer après avoir sécher la moitié des cours pendant un an, j'ai décidé d'accepter sa demande. mais si je savais que je devais traverser la moitié de l'université, juste pour aider un professeur à ranger des radiologies, je ne sais pas si j'aurais accepté. en plus je risquais fortement à être en retard et je commençais à en avoir marre d'être toujours celle qui se fait remarquer le premier jour de la rentrée. et oui, malheureusement les cours avaient recommencé avec une nouvelle année scolaire. j'aurais préféré trainer avec mes amis toute la journée, aller aider mon oncle à son restaurant, essayer de remettre les choses en ordre avec ma mère, mais non. je devais aller à la faculté, apprendre ses maudits cours qui me serviront plus tard. si bien sur je réussis à survivre à cette année et aux examens. en tout cas pour le moment, j'étais plus entrain de me maudire d'avoir pris mon sac avec moi que de penser aux examens que j'allais surement rater. malgré les dix milles professeurs particuliers que ma mère avait engagé, aucun n'avait réussi à me faire comprendre quelque chose ou m'apprendre ne serait-ce qu'une manipulation. c'est peut-être aussi pour ça que j'avais accepté de rendre ce service. je devais sûrement me dire que mon professeur me rajouterait des points. mais bon, c'est beau de rêver hein. finalement après une longue course, j'arrive devant la salle des archivages. voyons voir quel vieux crouton va m'aider à ranger ces foutues radiologies. je rentre dans la salle, reprends calmement ma respiration tout en écoutant les présentations du professeur. "Bonjour, monsieur Carvey, j'enseigne la..." le nom me dit quelque chose, mais je préfère ne pas me faire d'illusions. je secoue la tête et soupire. "désolée d'être en retard, j'ai du traversé toute l'université. je suis mil...." je m'arrête au beau milieu de ma phrase quand je découvre quel est le professeur qui va m'aider. joie ? colère ? sentiments ? j'en sais rien, je suis juste sous le choque et lui aussi. son départ surprise me revient en tête. ce jour-là il m'avait juste envoyé un sms vite fait, me disant qu'il allait vivre en france pour quelques temps et de prendre soin de moi. depuis aucunes nouvelles. "tu... depuis... qu'est-ce que tu fais ici ?" plus surprise, vous ne pouvez pas trouver.

Milo. Il écarquilla des yeux, hébété, secoué. C'était comme si un fantôme de son passé passait à travers lui. C'était incroyable, impensable, un choc total. Et pourtant, pourquoi être surpris alors qu'il était de retour dans la ville de son enfance, Rosendale, où Milo avait grandit et vivait visiblement toujours. La mâchoire décochée, Thomas ne parvenait pas à masquer sa surprise. « Milo ». Prononcer son prénom rendit la chose concrète mais pas pour autant moins difficile à réaliser. Il avait souffert comme un chien en partant, en tapant ce foutu message pour seul au revoir. Et ça sonnait plutôt comme un adieu, à l'époque, dans sa tête, bien que cela meurtrisse son cœur palpitant pour elle. « J'enseigne », répondit-il. Oh, perspicace ! Il se maudit intérieurement pour une réponse aussi ridicule que celle-ci. De nouveau, Thomas passa une main dans ses cheveux, gêné. Il ne pouvait pas s'empêcher de la regarder, toujours aussi charismatique, avec des formes aux hanches et des cernes sous les yeux, tout de même ravissante. « Je suis revenu il y a neuf mois. » déclara-t-il en réponse à une question déduite des bégaiements de la jeune femme. « Je ne m'attendais pas à te revoir ici ». Thomas s'appuya sur la table derrière lui sur laquelle reposait des radiographies à trier. Les bras et les jambes tendus, il éprouvait des difficultés à regarder Milo. « Encore moins à ce que je sois ton professeur et toi, mon … mon étudiante ». Mon dieu, après avoir été sa voisine et celle dont il était tombé amoureux après l'avoir considéré comme sa petite sœur, voilà que Thomas devait imaginer Milo dans le rôle de son étudiante. Que ferait-il en corrigeant sa copie ? Faisait-elle toujours des petits cœurs à la place des points sur ses i ? Il poussa un soupir, expression de son dépit et de sa surprise. « Putain de merde ».

après être enfin arrivée à la salle d'archives et avoir repris ma respiration, celle-ci manque de s'arrêter en voyant sur qui je tombe. thomas. mon cerveau réagit au ralentis. je suis comme débranchée de la réalité. c'est comme ces moments très lents dans des films. vous voyez tout au ralentis. le voir en face de moi est inconcevable. je me demande même si ce n'est pas un fantôme ou le manque de café et sommeil qui me fait faire des hallucinations. après tout ce ne serait pas la première fois que j'aurais pris quelqu'un pour thomas. mais l'annonce de son nom, cette odeur familière, le son de sa voix, rauque et doux en même temps, me montrent qu'il est bien réel. il prononce mon prénom par surprise et tout cela sonne faux. il est surpris, peut-être même déçus non ? peut-être qu'il croyait que j'étais partie de ce village de merde, que j'avais décidé de tout recommencer ailleurs comme lui. mais non, je suis restée là ou je suis née, là ou nous avons grandis ensemble. les mots me manquent, je ne sais pas quoi lui dire ni quoi faire. devrais-je sauter dans ses bras ? après tout nous étions voisins et amis d'enfance, des sortes de frères et soeurs. enfin moi j'étais amoureuse de lui, pas lui, mais ses sentiments ont été mis de côté depuis longtemps. ma bouche finalement daigne sortir quelques mots, quelques questions si on peut dire ça comme ça. d'ailleurs lui aussi ne répond que par des mots. "J'enseigne" ça je crois que je l'avais remarqué. à part s'il était devenu un cambrioleur de radiologies, mais ça n'était pas le genre de thomas de faire ça de toute façon. "Je suis revenu il y a neuf mois. " un "oh" ne peut s'empêcher de sortir de ma bouche. il est revenu il y a neuf mois... et il a même pas pensé à me prévenir. là je me sens vraiment blessée. "tu aurais pu me prévenir... me faire un signe de n'importe quelle manière." un peu : je suis de retour ne m'aurait pas fait de mal. je croyais qu'on était amis.... mais on dirait que la france l'a trop changé pour faire signe à ses amis. "Je ne m'attendais pas à te revoir ici" mes yeux le suivent s'appuyer sur la table et je passe une main dans mes cheveux en soupirant. il est toujours aussi beau... c'est frustrant. d'ailleurs je crois que ça l'est pour nous deux. "Encore moins à ce que je sois ton professeur et toi, mon … mon étudiante" comme si j'aurais pu deviner que mon nouveau professeur, celui qui remplace cette vieille bonne femme qui est partie à la retraite, soit en réalité mon ex voisin, mon ami d'enfance et mon premier amour bien sur pas réciproque. "moi aussi je ne m'attendais pas à te voir ici... le monde est petit hein ?" du dégout résonne dans ma voix. il aurait pu me dire qu'il revenait.... oui j'étais en colère avec lui. car après tout ce qu'on a vécu, il aurait pu m'envoyer un putain d'email ou sms ! "Putain de merde" mes yeux se reposent de nouveau sur lui et je le dévisage. entendre un prof jurer c'est une première. mais j'ai comme l'impression que je vais devoir m'habituer à cela. "et bien au moins je sais que t'es pas content de me voir. c'est toujours un plaisir de te voir aussi thomas..." je soupire et passe une main sur mon bras. il fait un peu froid dans la salle, ou alors c'est cette ambiance glaciale qui me fait penser ça.

Il ne l'avait pas averti de son retour parce qu'après des années, il trouvait cela malvenu de revenir en trombe dans son existence après avoir décidé de l'abandonner. Milo était venu sonner chez sa mère, les premiers temps. Il l'avait su par cette première. Puis au bout de longs mois, elle s'était finalement fais une raison. Thomas également, de son côté. Le ton mal-aimable et froid de Milo lui fit comprendre qu'il avait peut-être mal agi mais il était bien trop tard désormais pour les regrets. Mettant de côté sa surprise et tentant d'être le plus professionnel possible, Thomas sortit une radiographie d'une pochette et la tendit en l'air pour l'observer ; il faillit la lâcher quand Milo déclara que le monde était petit. « Fallait t'en douter que je reviendrais, un jour ou l'autre. Ma mère vit ici et mon père y est enterré ». Ce dernier point était capital dans la mesure où son père étant enterré là, sa mère ne bougerait pas avant sa propre mort. Milo était-elle au courant du décès de son père ? Il savait par sa mère que sa famille avait rompu tout contact avec les Lennon peu après son départ pour la France. Ils avaient été reniés par une bonne partie de la bourgeoisie locale suite à la faillite de l'entreprise de bâtiment et travaux publics de son père. Il marmonna dans sa barbe naissante quand elle lui reprocha de masquer son enthousiasme. Que pouvait-il s'il ne parvenait pas à mettre de côté son choc pour se montrer heureux de la revoir ? Son prénom complet dans la bouche de l'étudiante sonna étrange, compte tenu qu'à une époque, elle ne l'appelait que par son diminutif, Tom, ensuite utiliser par ses amis français. « Ce n'est pas une question d'être heureux ou pas de te revoir, Milo. Je suis juste surpris. Je ne pensais pas que tu vivrais encore ici. » déclara-t-il avant d'oser lever les yeux vers elle. « Tu n'as pas changé », dit-il avec un léger sourire.

l'entendre me dire qu'il était revenu il y a neuf mois et qu'il ne m'avait pas prévenu, avait été une sorte de coup de couteau dans le dos. je ne connaissais pas ses raisons pour son départ en france, enfin si sa mère m'avait dit que c'était pour étudier et apprendre la langue, mais je ne crois pas que c'était seulement là raison de son départ. c'est vrai qu'avant la france, nous étions dans une passe assez difficile ou j'étais amoureuse de lui et bien sur il m'avait rejeté. me disant que j'étais trop jeune et qu'il ne me voyait que comme sa petite soeur donc ça serait impossible. ces mots je les avais bien enregistré dans ma mémoire. mais après ça il avait été le même, bon un peu différent mais qui ne l'est pas après une déclaration. mais je crois que c'était surtout moi qui avait été différente. j'étais plus distante avec lui. c'est peut-être pour ça qu'il ne m'a envoyé qu'un sms pour annoncer son départ. je ne sais pas... " Fallait t'en douter que je reviendrais, un jour ou l'autre. Ma mère vit ici et mon père y est enterré" je me mordis la lèvre inférieur et pris une grande inspiration. je savais que son père avait été enterré. à vrai dire notre famille avait été invité même si elle ne parlait plus à celle de thomas. sauf que mon père était parti et ma mère était trop déprimée pour sortir le bout de son nez, surtout à un enterrement. alors j'étais juste allée avec mon frère, en espérant voir thomas mais il n'était pas là. je relève mes yeux vers lui, comme pour dire désolée après tant d'années. "je me doutais que tu reviendrais, juste pas quand. j'étais à l'enterrement de ton père..." j'avais envie d'ajouté que j'avais pensé qu'il viendrait, mais s'il n'est pas venu c'est que ça le lui était impossible. et connaissant thomas, il devait s'en vouloir beaucoup de ne pas avoir dit au revoir à son père. ils étaient tellement proches tout les deux.
après cela, je l'entendis sortir un juron que j'ai eu rarement l'occasion d'entendre. faut dire qu'il se retenait de jurer devant sa soit disant petite soeur. mais ça me fit sourire d'un côté. de l'autre ça résonnait plus comme : merde je vais la voir tout le temps maintenant. allez savoir ce que j'étais dans le coeur de thomas maintenant. une étrangère ? sûrement. "Ce n'est pas une question d'être heureux ou pas de te revoir, Milo. Je suis juste surpris. Je ne pensais pas que tu vivrais encore ici." c'est vrai que j'avais toujours désiré voyager. mais comme thomas j'étais attachée à cette ville et ma famille. " Tu n'as pas changé" pour la première fois il souria et me regarda dans les yeux. bon bah peut-être qu'il était content de me voir au final. "ah bah enfin ! voilà la réaction que je voulais voir. bon je vais pas te faire un câlin sinon tu risques de te faire virer dès le premier jour." je souris à mon tour et jeta un coup d'oeil aux radiologies. n'empêche ça risque d'être tendu... revoir thomas... tout ces sentiments qui remontent. "et non, je ne comptais pas m'en aller. du moins pas tant que je t'aurais pas revu correctement." je leva ma tête et lui souris avec un regard triste.