une note de musique derrière l'oreille droite.
Émergeant petit à petit de son sommeil, Joy ouvrit difficilement ses paupières avant de les refermer brusquement, éblouit par la trop forte luminosité de la pièce. Une sensation de tiraillement se propagea alors dans son crâne, la forçant à pousser un léger gémissement. La jeune fille âgée de douze-ans passa sa main sur son visage afin de ré-ouvrir convenablement les yeux. Après avoir cligné plusieurs fois des paupières, son attention se posa sur des fils accrochés à son avant-bras. Des perfusions. Fronçant les sourcils, cette-dernière tourna vivement la tète, balayant ainsi la pièce du regard. Des murs blancs. Joy se souvient alors. La voiture. Le virage. Le bruit d'un crissement aiguë. L'arbre. Puis, plus rien. Sentant une étrange sensation traverser son corps, Joyce tourna la tète, attirée par des objets disposés sur la table non loin d'elle. Sur celle-ci se trouvaient quelques gobelets usagés ainsi qu'une boite à musique. Sa boite à musique. Elle vit alors sur la chaise à côté de la table, une veste posée négligemment. Elle reconnut immédiatement celle-ci, qui appartenait sans aucun doute à son père. Joy se remémora alors la discution qu'ils avaient eu le jour d'avant, dans cette même chambre d'hôpital. Des larmes roula sur ses joues. Elle se pencha délicatement, tendant son bras vers la table afin d'agripper la boite à musique. Son mal de tète était toujours aussi présent mais ce n'était pas réellement son soucis principal. Elle se redressa alors difficilement, s'adossant contre son oreiller, plaçant ainsi la boite à musique juste devant elle. Délicatement, elle tourna la bobine plusieurs fois, actionnant ainsi un mécanisme. La boite s'ouvrit alors pour laisser place à une figurine représentant une danseuse étoile, tournoyant au rythme de la douce mélodie. Mélodie qui vint combler le silence de mort qui régnait dans la pièce. À l'entente des premières notes, le jeune fille ne put contenir ses larmes plus longtemps et déversa les perles qui menaçaient de couler depuis son réveil. L'image de sa défunte mère vint hanter son esprit accentuant ainsi la douleur.

« Ma chérie, tu es réveillée ? » dit la voix d'un homme qui venait de pousser la porte de la pièce avant d'y entrer. Son regard toujours fixé sur la boite, la jeune fille ne releva pas la tète vers l'homme, reconnaissant parfaitement sa voix. « Tu... tu me l'as ramenée. » prononça la jeune brune après quelques instants de silence. « Oui... je pensais que tu voudrais l'avoir à ton réveil. » commença le père de Joy en s'avançant vers le lit afin de déposer un baiser sur le front de sa précieuse fille. « Comment tu vas ? »  finit-il par demander en s'asseyant sur la chaise. « Tu as toujours mal à la tète ? Tu n'as plus sommeil ? Tu devrais t'allonger tu sais... Enfin, têtue comme tu es, tu ne m'écoutera surement pas. Tu veux peut-être que je redresses ton oreiller ? » demanda-t-il d'une traite en prenant délicatement la main droite de Joy entre les siennes. Inquiet pour la seule et unique chose qui lui restait en ce monde. « Papa. Tu l'as dis toi-même, c'est juste une petite commotion cérébrale. Je risque pas de... » répondit-elle, son regard toujours ancré sur la figurine. de clamser comme maman. Alors qu'elle se rendit compte de ce qu'elle s'apprêtait à dire Joy mordit sa lèvre inférieure et serra un peu plus sa main libre autour de la boite à musique. Les larmes coulèrent alors malgré-elle. Elle avait mal. Joy n'arrivait définitivement pas à se contenir, les images de cette scène tournant sans-arrêt dans sa tète comme dans un film. Pourtant, elle aurait aimé pouvoir appuyer sur ce bouton stop, afin de rembobiner ce film et modifier ce moment là afin que cet accident de voiture ne survienne pas. Se sentant responsable de ce qu'il s'était passé il y a deux jours, elle se demandait pourquoi elle, pourquoi sa mère. Celle-ci ne méritait pas de partir, pas aussi tôt. Joy ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas pourquoi elle n'était pas morte elle aussi.


une danseuse étoile sur la cheville gauche.
« Sérieusement ? Rosedale ? Quand tu m'as dis qu'on partait pour la Louisiane, je me suis imaginée la Nouvelle-Orléan tu vois ! Pas... ça. Pas un coin pommé que personne ne connaît dont le nom fait penser à un remake de la petite maison dans la prairie ! » lança Joy d'une traite à l'encontre de son père alors qu'elle avait les yeux fixés sur son ordinateur portable dont l'écran affichait google maps.  « Joy, ne commences pas. Tu sais bien que ça lui tient à cœur de rester là-bas. » répondit son père après avoir laissé échapper un long soupir. Elle. Encore et toujours elle. Sa belle-mère. Voilà maintenant cinq ans et demi que sa mère était décédée. Cinq longues années de vide. Cinq années où Joy s'était sentie terriblement seule. Pourtant, elle avait beau crier son malheur, personne n'était là pour l'entendre. Encore moins son père. Égoïste. Oui, égoïste elle l'était. Parce que c'était faux. Son père avait été là pour elle. Bien plus qu'elle ne l'avait espéré. Mettant même ses propres sentiments de côté afin de réconforter sa précieuse fille. Mais maintenant c'était son tour d'avoir du réconfort, de retrouver le bonheur. Bonheur que Joy n'avait toujours pas retrouvé mais tampis. Elle endurerait comme elle l'avait toujours fait. Son père fréquentait cette femme depuis deux ans maintenant. Et il l'avait épousé il y a quelques mois. Joy avait l'impression qu'il oubliait. Qu'il oubliait sa mère au profit de cette femme sortit d'elle-ne-sais-où. Parce que oui, qui à Londres, a déjà entendu parler de Rosedale ? Pas Joy en tout cas. Pourtant celle-ci avait finalement accepter cette union deux mois avant le mariage. Puisque après tout, elle ne pouvait pas dénier que son père avait désormais retrouvé le sourire. Un vrai sourire. Chose qu'elle enviait profondément. Oui, elle, avait toujours cette douleur. Elle, ne pouvait plus rire comme avant. La jeune adolescente avait coupé les ponts avec ses amis il y a quelques années maintenant. Elle ne parlait plus à personne. Le seuls moments où Joy sortait de chez elle, c'était pour se rendre à l'école. Elle passait désormais toutes ses journées sous sa couette. Et surtout, elle avait abandonné la danse. Il était désormais impossible pour la brune de danser maintenant qu'elle ne pouvait plus apercevoir cette étincelle de fierté briller dans les prunelles de sa mère. Alors que des larmes apparaissaient au creux de ses yeux, Joy passa rapidement le revers de sa manche sur ceux-ci. « Dis surtout que c'est sa pourrie-gâtée de fille qui ne veut pas quitter son bled paumé. » dit Joy, en prenant un air de dégoût. Son père lui lança alors un regard noir qu'elle fit semblant de ne pas apercevoir.  « Non mais sérieusement. Elle a la chance de pouvoir vivre ici, à Londres et elle... non. Elle, elle préfère rester au fin fond du bayou. » continua l'adolescente. Oui, elle n'aimait pas sa demi-sœur et c'était d'ailleurs réciproque. Peut-être étaient-elles trop différentes et similaires à la fois.


la date de naissance de sa mère sur le flanc droit.
 « Joy, pourquoi t'as un prénom de garçon ? » demanda le petit garçon alors qu'il regardait la télévision. Au son de sa voix, la jeune fille leva la tète de son téléphone portable et fronça les sourcils. Puis, radoucissant les traits de son visage, celle-ci aborda un air espiègle. « Écoutes Noah, je vais te dire un secret mais tu dois me jurer de ne le dire à personne. » commença-t-elle en regardant son petit frère droit dans les yeux. Ce-dernier acquiesça alors vivement, impatient d'apprendre le secret de sa grande sœur. « Alors voilà... en fait, je suis un garçon. Mais chuuuut ! » annonça-t-elle en posant son index devant ses lèvres. Écarquillant les yeux, le jeune garçon de quatre ans resta silencieux plusieurs secondes avant de prendre à nouveau la parole en se levant brusquement du canapé afin de se remettre sur ses pieds. « D'accord, je te promet de le dire à personne mais je dois faire un truc dans la cuisine ! Je... euh... je reviens ! » lança-t-il à la volée avant de se précipiter vers la cuisine où se trouvait certainement son autre sœur. Fière de son coup, un sourire victorieux apparut alors sur les lèvres de Joy. Son petit frère était décidément si naïf. Elle pouvait lui faire croire n'importe quoi, il allait constamment le colporter à son autre sœur, croyant dur comme fer qu'il avait fait la découverte du siècle. Pourtant son sourire espiègle se transforma rapidement en un sourire nostalgique. En une seule question, son petit frère lui avait rappelé pourquoi elle avait longtemps détesté ce surnom étant petite. Elle habitait à Rosedale depuis six ans maintenant et grâce à la naissance de son demi-frère, Joy avait retrouvé gout à la vie. Elle souriait et rigolait de nouveau. Elle qui pensait que sa vie allait devenir un enfer en s'installant ici. Elle devait bien avouer qu'elle s'était lourdement trompée. Ici s'était tellement différent de la grande ville. Et même si cohabiter avec sa demi-sœur n'était pas de tout repos, la brune prenait sur elle. Certes, sa nouvelle famille ne remplacerait jamais sa défunte mère, mais elle réussissait à combler le vide que celle-ci avait laissé. Alors oui, Joy se plaisait à vivre dans ce coin paumé comme elle aimait bien l'appeler.