Sa main dans la sienne, ses fossettes sorties, ces regards voilés de tendresse, c’est ce que Marina voit plutôt que l’eau qui frémit des mètres plus bas. Ron. Ronald. L’amour de sa vie, son âme sœur, sa moitié. Gay. Gay. Putain. De. Gay. Un cri, silencieux, comme toujours s’échappe de ses lèvres alors que la douleur menace de l’engloutir. Et ces mots qui courent, ces rumeurs sur elle. Elle. Personne ne savait qui elle était. Personne et tout d’un coup elle n’est plus l’épouse de Ron mais l’épouse bafouée. La folle qui n’a pas pu satisfaire le grand Ron. Le parfait Ron. « Il serait temps de sauter maintenant, vous ne croyez pas ? » Cette voix, sortie de nulle part, et surtout pas de son imagination, comme elle l’attendait la fait sursauter. Presque tomber. Presque. Marina se retourne, découvre une grande brune accoudée à la barrière. Du mauvais côté, comme elle. Juste un peu plus loin. « Je… » Juste un murmure, un début avorté de phrase qui ne quittera pas ses lèvres. « Tu ? » La brune ne semble pas énervée, comme l’était Ron dès qu’elle commençait une phrase pour ensuite la faire tomber dans l’oubli. « Je croyais être seule. » Elle observe la brune écarter les bras, signifiant sa présence de ce geste, se rapprochant inexorablement du gouffre. De la mort. « T’as choisi le mauvais jour ma cocotte. » Elles s’observent mutuellement, aucune ne souhaitant brisé ce silence gênant installé entre elles. « Eh, si vous souhaitez baiser, je veux bien que ce soit le dernier truc que je regarde. » Si Marina sursaute comme un cabri, la brune bat à peine d’un cil, esquissant un sourire taquin. « Trop facile. Nous voir sauter, ça ce serait cool. » Et elle s’apprête à faire un pas, prenant Marina de court, l’attrapant aux tripes pour la pousser dans ses retranchements. « Non ! » Elle s’écrie, à la surprise de tout le monde, y comprit la sienne. La brune se fige violemment, retournant la tête de son côté alors que la main de Marina trouve la barrière et la serre compulsivement. « Pas aujourd’hui. » Pas aujourd’hui. Elle observe ses compagnons d’infortune alors qu’elle se décide à parler, à s’affirmer. Un peu, juste un peu. Pas aujourd’hui. Demain, dans six jours, trois ans. Peu importe, ils vont mourir, ils vont sauter, ce n’est qu’une pause, un délai. Ils vont sauter, ils le savent. Juste, pas aujourd’hui.