(acte un) « Ces résultats sont impressionnants monsieur Hansen. Vous êtes incontestablement notre meilleur élément cette année. Vous êtes vous déjà décidé sur ce que vous ferez l'année prochaine ? » Le garçon osa un sourire poli, serrant légèrement les doigts sur ses genoux pour se raccrocher à quelque chose, de plus en plus stressé. « J'ai passé les entretiens finaux à Harvard il y a deux semaines monsieur. Ils m'acceptent en droit. » Comme son père avant lui. C'était facile pour un Hansen d'entrer dans ce genre d'écoles prestigieuses si tant est que l'on ai un peu de jugeote et beaucoup d'argents de poches. La réponse sembla le combler puisque son interlocuteur lui fit un grand sourire avant de replonger dans son dossier. « Excellent, vraiment excellent. Bon, je pense que ce sera tout. Au plaisir de vous revoir. » « Au revoir monsieur. » Il se leva, lissant du dos de la main son costume impeccable avant se serrer la main du vieil homme et de sortir du bureau. Enfin, le stresse de l'entretien de fin d'année était passé. Il ne lui suffirait plus encore qu'un seul et unique examen et voilà qu'il en aurait fini du lycée. À dix-huit ans et avec les meilleurs notes de sa promotion il partait enfin de Rosendale, direction Harvard. C'est tout sourire qu'il sortit du lycée. L'attendaient là sa mère et sa sœur. De plusieurs années sa cadette, elle n'en était pas moins très proche. Elle se jeta sur lui dans un cri heureux alors qu'il l'attrapait au vol, souriant, la portant dans ses bras. « Alors alors alors ? » « Il pense que je suis trop nul, du coup il me renvoi et ne me donne pas mon diplôme. » « Tu mens ! » Elle lui frappa l'épaule avec la violence d'un ouistiti en pleine sieste. Pourtant Jude s'obligea à faire la grimace, jouant la douleur pour le plus grand plaisir de la blondinette. « Il a accepté de te faire une lettre ? » Sa mère, bras croisée, les regardait tendrement. Elle était toujours aussi chic, en robe bleu et veste assortie. Elle semblait heureuse de le voir de si bonne humeur. « Je l'ai mis dans mon sac. Il a bien précisé que j'étais major de ma promo et que j'avais un charme fou. » « Arrêtes tes âneries et monte, on va fêter ça. » Il embrassa la joue de sa mère, portant sa sœur jusqu'à la voiture et s'y engouffrant avec elle. Il s'installa nonchalamment avant de desserrer sa cravate. Il respirait enfin. « Tu devrais la garder, ton père m'a promit de finir plus tôt pour passer un peu de temps avec toi. » Il regarda sa mère, surprit. Ça faisait un moment qu'ils ne s'étaient pas prit un temps pour eux seuls. « Une soirée père et fils ? » « Juste toi et lui. Moi j'emmène ton frère et ta soeur au théâtre. » L'idée le fit sourire. Il passerait la soirée avec son père. Le lendemain il irait remplir un QCM sur la culture italienne, puis voilà, il serait libre. Une fête était déjà prévu pour ce weekend chez une amie. Il allait pouvoir lâcher prise.


« AAAAH ! JUJU T'ES TROP BEAUUU ! » La voix de la jeune femme se fit entendre dans tout le hall alors que le blond arrivait tout sourire, vêtu d'une chemise immaculée légèrement ouverte sur la naissance de sa gorge et son torse finement dessiné. Il rattrapa la blonde au vol, riant aux éclats alors que l'odeur d'alcool attaquait son nez. Son amie avait déjà pas mal bu. Celle qu'il avait rencontré des années déjà auparavant était devenue ce qui ressemblait le plus à une meilleure amie pour lui. Et ce soir bon nombre de ses nouveaux amis seraient là, prêt à fêter la fin des cours comme il se devait. Il attrapa au passage le premier verre venu, un liquide similaire à de l'eau mais bien plus fort. Il en avala l'entièreté d'une traite avant de poser son verre, tout sourire. « Comment tu vas princesse ? C'était comment ces derniers examens ? » « M'en parle pas, j'ai complètement foiré la science. Heureusement que l'université du coin me prend pour mes compétences littéraires sinon je serais mal. » « Je suis sur que tu serais très doué en math... Avec une ou deux calculatrices coincées entre tes seins histoire d'être discrète. » La blonde gloussa avant de le tirer à travers la salle. « Pardon grosse tête, on a pas tous la chance d'aller à Harvard. » « M'appelle pas comme ça. Je fais ça pour faire plaisir à mon père, c'est tout. » « J'avais oublié, le gentil fifils à son papa. » Jude soupira. Son amie lui tapait sur les nerfs lorsque le sujet Hansen père revenait sur la table. Elle ne pouvait pas comprendre, bien sur. Qui aurait pu, dans cette minuscule ville, comprendre la pression faite par le paternel pour voir son fils partir au loin, dans les grandes villes du pays, et briller. Il allait lui dire qu'elle ne comprendrait pas lorsque deux garçons montèrent le son et que des cris de joies se fassent entendre. « C'EST L'HEURE DE DANSEEEEER ! » Et c'est en sautant partout qu'elle attrapa Jude pour l’entraîner dans une danse endiablée

(acte deux) New-York. Un gala de charité en hommage aux victimes d'un crash d'avion survenu quelques mois auparavant. L'argent irait aux familles des victimes. Jude s'était retrouvé là un peu par obligation, seul cavalier disponible pour accompagner son amie Becka, élève en droit elle aussi.  Il ne resterait surement pas bien longtemps. Il n'avait pas parlé à beaucoup de monde, s'ennuyant fermement dans ce manoir qu'il ne connaissait pas. D'un naturel pourtant sociable, l’américain ne parvenait pas à se sentir à l'aise entre les petits fours et les photos des enfants qui avaient perdus la vie dans l'avion. Des gamins souriant qui avaient fini leurs vies, incapable de hurler alors que l'air se glaçait autour d'eux et que la pression faisait exploser leurs poumons et leurs cerveaux, les tuant bien avant l'impacte. Les chanceux ayant survécus à la violence de la chute s'étaient retrouvés à se noyer en pleine mer de glace. L’événement, les rires et les danses lui donnaient envie de vomir. Il attrapa la première coupe de champagne lui arrivant sous la main et sortit de la grande salle de réception, partant à la découverte du reste du manoir. Ses pas le dirigèrent inconsciemment dans un salon de taille tout à fait acceptable pour l’aristocratie anglaise, absolument immense pour le peuple. Au milieu de la pièce, un piano. Il le regarda longuement, songeur. Il n'avait plus joué depuis son départ de la maison. Cette activité pour laquelle il avait presque perdu la tête avait été bannie parce que trop douloureuse, trop éloignée de son nouvel avenir. Pourtant la musique coulait toujours dans ses veines, tentation terrible qui l'attirait comme un aimant vers les touches noirs et blanches de l'objet. Il hésita un moment, siffla sa coupe de champagne, et craqua. En quelques pas il se trouva devant l'instrument. Il retira sa veste, la plia consciencieusement et la posa auprès du piano avant de s'y installer, remontant les manches bleu nuit de sa fine chemise. Il souffla, se demandant subitement si il n'avait pas perdu la main. Il ferma les yeux, s’insultât mentalement, les rouvrit, et posa les mains sur les touches. Alors le souvenir tactile se fit et avec douceur il joua, enchaînant les notes d'une balade apprise bien des années auparavant. Il joua ainsi ce qui lui sembla durer une éternité, avant qu'une voix dans son dos ne le surprenne. « Absolument merveilleux, vous ne trouvez pas ? » Il se retourna le plus naturellement possible, découvrant derrière lui un petit groupe de personnes, tous concentré sur ses faits et gestes. Le plus grand de la bande, un bouclé à l'air étrange, s'avança vers lui joyeusement. « Karl Lethbridge, je possède l'une des maisons de productions les plus influentes de New-York. Et vous êtes ? » Le bouclé lui tendit la main et Jude la serra avec assurance. « Jude Hansen. Je suis désolé, je suis tombé sur le piano et je n'ai pas résisté à l'envie de jouer un peu. » « Comme c'est charmant. Vous vous produisez j'espère ? » « Je suis avocat. Enfin bientôt. Je suis à Harvard » Le bouclé le regarda étrangement. Avant de reprendre. « Vous devriez songer à une reconversion. Non pas que vous soyez un mauvais étudiant ça je n'en sais rien, mais vous êtes pour de bon un musicien de talent. Vous devriez passer me voir au conservatoire un de ces jours. » « Je n'y manquerais pas. » Il fit un sourire à son interlocuteur avant de faire plusieurs pas vers la sortie. Son public d'un soir le félicita et l'incita à faire demi tour. Il hésita longuement. Ce concert privé n'était en aucun cas le but de la soirée et il ne sentait pas très à l'aise. Il n'avait plus joué pour personne et d'un coup se voyait partager tout ses sentiments à travers les cordes du piano. Cependant il fit demi tour, et se rassit avant d'entamer la Lettre à Elise qu'il connaissait sur le bous des doigts.  


Le sms avait été clair. Si son frère ne descendait pas de chez leurs parents dans les cinq minutes, Jude rentrait chez lui. Il était épuisé mais sa nervosité plus que le reste l'empêchait de penser raisonnablement à l'idée d'aller se coucher. Il devait lui parler, il le fallait au plus vite. Enfin la portière passager s'ouvrit sur le brun, de cinq ans son cadet. Ils ne s'étaient pas vu depuis ce qui lui semblait être des lustres et Jude hésita à le prendre dans ses bras. Cependant son éducation l'en empêcha et introverti il salua son frère d'un hochement de tête. « Te voilà enfin, j'ai cru que tu ne descendrais plus. » « Figures toi que je bossais, je n'ai plus beaucoup de jours de vacances, je rentre à Columbia la semaine prochaine. » La fac. Ça lui semblait si loin soudainement. Son frère l'avait suivi la bas, quant à sa soeur c'était difficile à dire. Elle se prenait souvent la tête avec leurs parents à ce propos. « Ca se passe bien tes cours ? Eve va comment ? Et les parents ? » « Ils vont tous bien, tu le saurais si tu appelais de temps en temps. » « Désolé, j'ai eu pas mal de boulots... Je reviens de Washington là. » Son frère s'installa confortablement sur le siège de la voiture, le regard suspicieux. « Je sais. Papa n'a pas arrêté de nous dire que tu passes ton temps à te balader. Tu m'expliques ce qu'un étudiant fait à se promener partout ? » Jude tenta de réprimer un sourire mais n'en fut pas capable. L'ambassadeur l'ayant invité avait passé la soirée à lui lécher les bottes après son concert privé. Son frère retrouva un air sérieux alors que sa voix se faisait plus grave. « Dis Jude, ça va ? Tu me demandes jamais de venir te voir, pas à cette heure si du moins. » L'aîné regarda le jeune Hansen avant de laisser son regard divaguer au devant, dans la rue déserte. « J'avais besoin de ton avis. J'ai reçu plusieurs lettres de directeurs de conservatoire, ils voulaient me recevoir. À New-York j'ai eu l'occasion de jouer pour les plus grands et.. et.. Et c'était génial, tu vois ? Ils m'ont adorés. Et être avocat ça m'emmerde. Et devoir défendre des cons pour qui l'argent fait tout, ça m'emmerde. C'est pas ce que je voulais. » « Alors si je comprends bien, tu veux devenir musicien ? » Le ton de son frère s'était fait surprit, presque ahurit et Jude ne pu s'empêcher de lui lancer son regard noir habituel. « C'est pas rock star non plus, idiot. Pas de célébrité, pas de filles à poil et pas de supers cds achetés par tout le monde. Tu sais ce que c'est qu'une pianiste, un vrai ? » « Un mec qui joue du piano ? » La, Jude ne tint plus et frappa son frère derrière la tête qui poussa un gémissement d'indignation. « Crétin ! C'est beaucoup plus sérieux que ça. » Son frère se frotta l'arrière de la tête avant de sourire. « Bah dans ce cas fais le. Si c'est ce qui te rends heureux, hein ? Papa veut bien que je fasse ce que je veux, tant que je suis au premier rang. On est des Hansen Jude, notre place est au dessus du monde. Nous sommes fait pour ça. » Il avait dit les dernières phrases dans une parfaite imitation de leur père qui fit rire Jude plus qu'il n'aurait du. Se calmant enfin, il posa le regard sur le plafond de l'auto, avant de grimacer. « Bon... Tu crois que je dois annoncer quoi à Papa en premier ? Que je quitte la plus grande école de droit pour devenir musicien ou qu'en plus je vais emménager avec ma copine ? » « QUOI ?! » Pour de bon que la surprise laissa sur le cul l'homme qui n'en revenait pas. Jude lui sourit. « Tu sais, j'ai rencontré cette fille, à New-York... Kira, Kira Yang. Elle vient de Rosendale aussi... Elle vient d'écrire un bouquin, il parait qu'il est cool. Pas eu le temps de le lire mais enfin, qu'importe. Le fait est que nous sommes sortis ensemble plusieurs fois, et puis les choses se sont faites et... On est ensemble, depuis un an. » Le cadet regarda fièrement son frère avant de se laisser retomber sur le dossier de la voiture. « Mec, Papa va te dépecer. »

(acte trois)  Sous ses doigts les touches froides montaient et descendaient, les mouvements s'enchaînant avec vitesse et précision. Comme si la main de l'homme n'avait eu aucun lien avec ce miracle de la musique. Comme si la mélodie avait été faite  par Dieu, comme les oiseaux et l'eau. Comme si plus rien d'autre n'existait que le son du piano à travers l'immense salle bondée. Un silence religieux qui lui pesait lourdement sur les épaules alors qu'il jetait un coup d’œil à la partition. Il jouait avec ses mains, il jouait avec son cœur. Dans la salle, ses parents. Il avait cru les perdre alors qu'il leur annonçait son choix de changer complètement de vie. Les deux hommes s'étaient d'ailleurs trouvés en froid durant de longues semaines. Jusqu'au soir où, lors d'un dîner officiel à New-York, donné en l'honneur de quelques musiciens en vogue. Jude avait été prié de jouer devant les invités. Il avait regardé son père droit dans les yeux, le défiant de fuir, avant de jouer avec toute sa force, sa peine et sa rancœur. Le triomphe avait été instantané, faisant de lui la coqueluche de la soirée et de son père un homme chanceux. Depuis Jude avait l'aval des Hansen pour une carrière des plus prestigieuses. A coté des ses parents, Kira. Celle-ci avait eu plus de mal à se faire accepter encore que cette nouvelle carrière dont il était fier. Heureusement pour elle, sa mère avait eu la délicatesse de lire son livre et l'avait adoré. Un bon point pour elle qui ferait surement un jour parti de la famille. Mais dans la salle, pas de frère ou de soeur. Pas d'amis de la fac. Pas même sa meilleure amie. Pire encore, une sensation de vide, comme si quelque chose n'allait pas. Et dans la mélodie des accords sombres, ténébreux. Et dans la résonance du piano de la douleur, de la rancœur et de l'appréhension. Et dans sa musique, un peu de lui. Beaucoup de passion. Un final impeccable. Et une explosion d'applaudissement alors qu'il posait le regard sur la salle. Et son coeur qui battait à tout rompre au son des mains qui se déchaînent. Il avait réussi. Il était au dessus du monde. Il était fait pour ça. Et il adorait cette sensation.

Il y avait eu un vide immense en lui. Pendant des semaines et des semaines, ce même vide. Il s'était posé des questions, avait tenté de changer les choses. S'était rapproché de Kira, de ses proches, de ses amis. Il s'était mit à jouer plus souvent encore. À boire aussi, incapable de dire ce qui pouvait bien lui arriver. Il se sentait mal, au bord du gouffre. Comme si quelque chose manquait. Il se sentait ainsi partout, tout le temps. Alors l'alcool avait fini par l'accompagner partout, même sur la route. Même ce jour là. Les phares de l'autre voiture se firent lointain d'abord. Il roulait trop vite, bien trop vite. L'embranchement arrivait. L'autre ne l'avait pas vu, comment aurait-il pu ? il roulait tombeau ouvert, phares éteints et cœur perdu. C'était bon, si bon. Il était libre. Trop libre. Il passa au rouge, et un sourire éclot au bous de ses lèvres. Et dans un silence assourdissant l'autre voiture s'encastra sur le coté conducteur, culbutant au niveau du capot la bagnole de luxe du musicien. La force du choc fit glisser sur plusieurs mètres le véhicule alors que tout explosait. La taule se froissant. Les vitres se brisant. L'eau s'écoulant à l'intérieur de l'habitacle. La douleur prenant ses quartiers dans son pied d'abord. Et soudainement, l'horreur. Son coeur qui explosa. Son souffle qui se perdit, trop court. Et son oreille qui sembla se déchirer. un morceau de verre, un morceau pas plus grand qu'un ongle. Une arme terrifiante. Et ce sifflement dans son esprit alors que le sang s'échappait de son tympan. Il cligna des yeux, l'esprit perdu. Et derrière l'horrible sifflement, le grand silence. Puis soudain, le noir.  

(acte quatre) Odeur de formol, bouche pâteuse, mal de crâne incessant. Jude se réveilla un après midi, deux jours après son accident. Il papillonna des yeux, gêné par l'intensité du soleil reflétant contre les murs blancs. Autour, personne. Et dans son esprit le souvenir du terrible accident. Il cligna des yeux pour s’accommoder de la lumière et tenta de se redresser dans son lit. Il abandonna cependant alors qu'une douleur fulgurante se propageait dans tout son torse. Une infirmière entra, dossier en main, et sembla surprise de le voir s'agiter ainsi. « Non monsieur Hansen vous devez rester allonger. Vous avez plusieurs cotes de cassées. » Pourquoi parlait-elle si bas ? Il obéit, le crane lourd. Le sifflement était toujours là, insupportable, omniprésent dans son oreille gauche. « Où sui- » Il se stoppa net. Cette voix. Cette voix n'était pas la sienne. « Qu'est-ce... » Il se tut, incapable de comprendre ce qui lui arrivait. « Ne paniquez pas, c'est un effet normal. Monsieur Hansen vous venez de dormir deux jours après un grave accident de voiture. L'autre personne va bien. Vous... Votre vitre a explosée et un morceau est venu se loger dans votre oreille. Sous le choc de l'impact, votre tympan gauche n'a pas tenu le coup. Les médecins ont fait ce qu'ils ont pu mais nous n'avons pas pu réparer la déchirure. Nous devons vous faire passer des tests mais il y a de forte chance pour que vous ayez perdu environ 50% de vos capacités auditives. « Quoi ? Non c'est impossible, j'ai un concert ce weekend ! » Sa voix. Elle lui était insupportable. C'était lui sans l'être vraiment. 50% de lui. « Désolé pour votre concert, mais il y a trop de testes à faire pour vous laisser sortir aussi vite. » « Parlez plus fort merde, j'entends rien ! » La vérité qui sortait de sa bouche. Il resta muet un instant, trop choqué pour vouloir comprendre. Il n'entendait plus rien. Il leva fébrilement la main, la portant à son oreille gauche. Et claqua des doigts. Rien. « J'entend plus rien... »

  Ses poings frappèrent sauvagement la porte en chêne, impatient de la voir enfin s’ouvrir sur le visage de la blonde que l’homme voulait voir. Il ne fut pas déçu alors qu’enfin Reese venait lui ouvrir la porte, l’air à peine réveillée et surtout inquiète de le voir dans un tel état. « Jude ? Mais qu’est ce- » Il ne lui laissa pas le temps de continuer, entrant dans l’appartement de sa meilleure amie, une tempête dans son esprit et l’âme ailleurs. « J’sais pas ce qu’il m’a prit, je sais pas… » Il était essoufflé, le regard fuyant, l’air perdu. La blonde attrapa son bras et le poussa à s’asseoir, de plus en plus inquiète. Dehors le soleil se levait à peine. Il lui semblait que Jude n’avait pas dormit de la nuit. Avec son regard perdu, ses cheveux emmêlés et son air fautif il ressemblait à un enfant. Elle se laissa tomber à ses cotés sur le canapé et enroula un bras autour de lui, passant les doigts de sa main libre dans ses cheveux blonds. « Expliques moi… » « Je l’ai embrassé. » Les mots lui firent plus mal qu’il ne l’aurait songé et il retint un moment sa respiration, comprenant l’ampleur des mots, et de son geste. Il était terrifié en réalité. « Qui ça… ? » Osa-t-elle demander, pas sur de bien comprendre. Pas sa fiancée en tout cas. Il l’avait quitté quelques semaines après l’accident. Il hésita un instant. Quoi dire à sa meilleure amie ? La vérité ? Qu’il avait pété les plombs et avait sauté sur le premier garçon venu ? Même à lui ça paraissait dingue. Il tenta de mettre en ordre ses idées, en vain. Et puis qu’importait. Foutu pour foutu. « Ce type, dans le bar… Je sais pas ce qu’il m’a prit. Il était mignon, et j’avais bu, et.. Et je sais pas, je me suis senti bien. » Elle resta interdite un instant. « Attends… T’es en train de me dire que-  » « J’en sais rien. Je sais pas. Depuis l’accident j’ai l’impression qu’il me manque quelque chose tu vois ? Et là.. Je sais pas, je sais pas. C’est dingue je n’arrive plus à rien et.. Rah merde ! » Le sifflement avait refait surface. Bien évidemment. Il n’avait pas suffit au verre de détruire son tympan. Il se retrouvait avec ce foutu sifflement dès lors que son coeur battait plus fort que la normal. Mettant la main en coupe devant son oreille il se pencha, comme si cela pouvait avoir un effet sur la douleur qu’il ressentait. Tout de suite Reese se raidit et le serra plus encore contre elle, soufflant en douceur. « chhht… Ça va aller Jude. Tout ira bien. »