(beckah) happy eyez.

Quand ils étaient enfants, Beckah et Arliss étaient inséparables. Arliss se souvient encore du visage de princesse blonde de son amie quand elle était encore qu'une petite fille – quand elle n'était qu'aux prémices de son existence. Ils ont grandi ensemble, complices et tendres l'un envers l'autre. Arliss était le petit démon à côté du petit ange, Beckah. Autrefois, il l'a aimé, d'un amour pur, encore enfantin. Il a laissé ses sentiments se résorber avec le temps, pensant qu'il n'arriverait jamais à quoi que ce soit avec la belle Beckah – elle était son amie, pouvait-elle seulement être plus ? Arliss ignorait tout des sentiments de Beckah à son égard, un cercle vicieux qui a étendu ses longues tentacules pour les empêcher de se trouver. Aujourd'hui, le cœur de Arliss bat douloureusement pour sa Poupon, mais il a conservé une infinie tendresse pour Beckah. Une femme qu'il a perdu de vue pendant cinq ans sans pourtant l'oublier ; Arliss ne pourra jamais détacher le nom de Beckah Hansen de son âme. Chez lui, dans sa petite maison, il repose sa bière sur la table, clope au bec, les yeux rivés sur sa vielle machine à écrire perdue quelque part au milieu du salon. Il tape frénétiquement sur les touches, mélangeant réalisme et poésie farfelue. La feuille glisse, glisse encore, marquée par l'encre noire. Enfin, il s'avachit au fond de sa chaise, croise les mains derrière son crâne, ses doigts craquent, et il pousse un long soupir de satisfaction. Il tire sur sa cigarette puis crache la fumée qui s'évapore devant son visage. Arliss n'est pas allé à son atelier aujourd'hui, il a profité du samedi pour avancer sa nouvelle – fondamentalement feignant, ne pas avoir travaillé l'enchante. On toque à la porte, il boit une gorgée de sa bière, la repose puis se lève, laissant échapper un grognement entre ses lèvres. Il se glisse dans le couloir, une mèche blonde pendouillant devant ses yeux, ouvre enfin la porte, sa cigarette toujours à la bouche. Beckah. Son visage s'illumine aussitôt d'un sourire. Il la prend dans ses bras, la soulevant un peu, fiévreusement heureux de la revoir, le contact électrise un instant sa peau et, enfin, il la repose à terre, l'invitant à entrer. – C'est tellement bon de te voir. Il tire une nouvelle fois sur sa clope, détaillant de ses yeux bleus le visage de Beckah, tous les deux coincés dans ce petit couloir. – Tu bois quelque chose, une bière peut-être ? Il rit, gratte sa barbe blonde. – Tu me connais, je ne t'ai pas attendu pour commencer.

Tu as l'impression de faire un bond dans le passé. Ces rues, ces odeurs, tu les connais par coeur. Alors tu te revois gamine, gambader main dans la main avec un petit blondinet. Tu ne peux retenir un sourire. Alors plus tu avances, plus les souvenirs défilent. Rosedale, c'est tes origines, c'est une énorme partie de toi, plusieurs chapitres dans ton histoire et ça, non ça Kurt ne pouvait pas le changer. Dans le fond, ça te déchirait le coeur qu'il soit si borné contre l'idée de revenir s'installer ici. Tu soupires. Parce que Rosedale ce n'est pas seulement le commencement de ta vie, c'est surtout le début de votre histoire et c'était comme s'il refusait de s'en souvenir. La vérité, c'était qu'il avait choisi de partir en mer pour prendre du recul face à tout ça, mais toi, pauvre Beckah tu te retrouvais seule à présent. C'est donc tout naturellement que tes pas t'amenèrent ici. Devant cette maison en bois, devant cette baraque qui regorgeait de souvenirs. L'image de toi, enfant, sur cette balancelle te revient. La tête posée contre son épaule, tu l'écoutais qui lisait des poèmes. Tu restais un moment comme ça, les bras croisés sur ta poitrine, remuant les vieux souvenirs. Et puis, c'était trop, tu ne pouvais plus attendre. Ton poing venait s'écraser contre le bois poreux de la porte qui était toujours resté la même. Arliss, il était là, t'accueillant à bras ouvert comme si les années n'avaient rien changé. Tes pieds quittaient le sol. « Bordel, tu m'as tellement manqué. » et lorsqu'il te repose, tu ne peux pas t'empêcher de continuer à le toucher, tes mains tendrement posées de part et d'autre de son visage. Tu ries à sa remarque, il n'avait pas changé et c'était bon de le retrouver. « Toi aussi tu me connais trop bien. » La bière, ton péché mignon. Tu le suivais à travers la bâtisse qui respirait le bon vieux temps. Ton regard s'attarde sur les photos, mais surtout sur celle qui trône sur la cheminée. « Tu te rappelles ce jour là ? J'ai cru que nos parents allaient nous arracher la tête. » Vous aviez fugué comme des gosses pour vous exiler dans votre repaire, cette cabane dans les bois que vous aviez construit de vos propres mains. Tu t'appuies contre la table. « Elle y est toujours ? » Ton regard devenait brillant, car Beckah tu avais loupé cinq longues années. Tu avais peur que tout soit changé.

Arliss a l'impression de l'avoir quitté hier, tellement les retrouvailles sont naturelles. Il sent ses mains sur son visage, il sourit, toutes dents dehors, lui embrassant tendrement le front avant de replacer une de ses mèches blondes derrière son oreille. Beckah, toujours aussi belle. Dans le regard de Arliss, on lit qu'elle lui a manqué, tellement manqué ; une petite lueur qui fait briller plus intensément ses yeux clairs. Quand il se baladait quelque part à la Nouvelle-Orléans, ses pensées dérivaient vers les femmes de sa vie. Sa petite-sœur, Daisy, évidemment Poupon, et enfin sa Beckah. Daisy ensoleillait sa mémoire, Poupon terrorisait son cœur, et l'image de Beckah, elle, adoucissait son âme. Aimant se remémorer les souvenirs de son enfance, il est tout naturel que Beckah envahisse chacune de ses cellules. Une enfance si douce, si tendre, pleine de lumière, le rendant peu à peu si solaire. Ils s'enfoncent dans la petite maison, rejoignant le salon. Arliss se dirige jusqu'à la cuisine, ouvre le frigo, prend une bière qu'il ouvre rapidement avec son briquet, puis referme la porte d'un coup de pied. Il rejoint aussitôt Beckah, debout près de la table, lui tendant la bière avec un sourire. Il récupère la sienne, approche le goulot de ses lèvres avant de rire, posant ses yeux sur la vieille photo. – Mon père était tellement furax, j'ai cru qu'il allait me tuer. Sa cigarette entre les doigts, il désigne Beckah du menton. – Tu m'as sauvé la vie ce jour-là. Le vieux n'a pas osé m'écorcher vif devant toi, sinon il l'aurait sans doute fait, et sans remords. Il s'en souvient parfaitement, quand ils sont revenus, après leur journée de vadrouille clandestine, son père l'attendait férocement dans le salon. Ils sont entrés dans la baraque, le plus silencieusement possible, tombant alors nez à nez avec le père Wirth qui, déjà, devenait dangereusement rouge. Il hurlait, et les deux petites têtes blondes se retenaient de rire devant lui. Il a, évidemment, appelé les parents Hansen pour les informer qu'il venait de retrouver leur fille. Un bon souvenir. Ce genre de souvenir qui, naturellement, apporte le rire lorsqu'on y songe. Arliss sourit de plus belles. – Bien entendu, en sale état, mais elle n'a pas bougé de place. Il tire sur sa cigarette, bientôt consumée. – Il faut absolument qu'on y retourne. La fumée s'échappe de ses lèvres, il s'assoit sur l'accoudoir du fauteuil juste derrière lui, croisant les pieds. – Avec quelques bières et clopes, comme au lycée.

C'était comme si rien n'avait changé, comme si c'était hier que tu gambadais dans les rues avec lui. Ça pouvait être surréaliste pour certain mais entre vous, il y avait toujours eu un lien spécial. C'était peut-être à cause de cette connexion que tu avais développé des sentiments, mais c'était aussi pour la préserver que tu avais gardé le silence. Arliss pouvait-il être plus ? Il était déjà tout à tes yeux. Il revenait de la cuisine, bière dans une main, cigarette coincée entre les doigts dans l'autre. Et tu le dévisageais, tu suivais chacun de ses mouvements. C'était bon de pouvoir constater qu'il n'avait pas changé. Tu remerciais le monde de t'avoir appris que le bonheur pouvait être aussi simple. Il n'y avait pas besoin de chichis pour trouver le sourire. Un simple regard, un simple geste amical, c'était suffisant à tes yeux. Tu soupirais de soulagement et soudain tu revivais le passé. Monsieur Wirth avait été sévère avec vous et comme deux gosses un peu trop rebelles, un peu trop proches, vous rigoliez comme deux ânes. Monsieur Wirth n'avait jamais eu un mauvais fond, il avait peut-être simplement eu la peur de sa vie, la peur de ne jamais revoir son fils. On pouvait imaginer tous les scénarios possibles, mais vous étiez jeunes et insouciants. La morale de son père n'était rien à côté du tien. "Tu sais que mon père te déteste depuis ce jour..." rigolais-tu. Il ne lui fallait pas grand chose pour haïr les gens. "Il disait toujours que t'étais là pour pervertir son ange." Bien sûr, tu explosais de rires, et tu repensais à cette nuit où tu leur avais annoncé ton départ. "Et puis, finalement il a trouvé que tu étais un ange à côté de Kurt..." Arliss avait été l'un des seuls à te soutenir dans cette décision. Tu avais fais un choix et il l'approuvait, il le respectait. Tu buvais une gorgée de bière. Le lycée, c'était la belle époque. Tu étais soulagée d'apprendre que personne n'avait osé toucher à votre repère, votre antre. "On va y retourner, fais moi confiance. On fera même mieux que ça, tu vas m'aider à la remettre en état." lâchais-tu sans lui laisser trop le choix. Tu posais ta bière à côté de toi pour te hisser et installer tes fesses sur la table. C'était tout à fait toi ça, tu t'installais partout sauf sur une chaise. "Racontes-moi tout, tu as dû en faire des choses en cinq ans." Tu le regardais avec les yeux brillants, il t'avait manqué et tu voulais tout savoir.

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